A l’occasion de l’Inauguration des nouveaux bureaux et du nouvel entrepôt de Maniet Luxus à Nivelles, George Vanderplancke a répondu a quelques questions dans la rubrique RDV CEO.

Le marché de la vente de chaussures est en plein chambardement dans notre pays. La faillite du groupe néerlandais Macintosh Retail Group fin 2015 a entraîné la disparition en 2016 de l’enseigne Scapino, tandis que Brantano était repris par des investisseurs flamands (qui ont cédé 25 magasins au français Chaussea). Et en cette fin janvier, on a appris par ailleurs l’arrivée de la chaîne néerlandaise vanHaren, tandis que le français Eram a annoncé son intention de se retirer du marché belge, où il détient 28 magasins (Le Soir du 1er février 2017). Ceci sans compter sur l’attrait croissant qu’exercent les géants du web (Zalando, Sarenza…) sur les consommateurs. Dans ces conditions difficiles, le groupe familial wallon Maniet (33 magasins sous enseignes Maniet et Luxus) semble tirer son épingle du jeu. Ce jeudi, il a inauguré son nouveau siège social, auquel est adossé un entrepôt de 11.500 m2 dans le zoning de Nivelles. De quoi envisager l’avenir avec une certaine sérénité pour George Vanderplancke, le patron de Maniet.« Oui, on constate beaucoup de fermetures de magasins et de chaînes, explique-t-il. C’est interpellant. En même temps, ça crée des opportunités, ça nous met en face de nos défis ».

Quels ont été les résultats de 2006 ?

Nous avons 33 magasins, pour un chiffre d’affaires hors TVA de 59,8 millions d’euros. On a ouvert trois magasins en 2016. A périmètre constant, on a fait une diminution de 1 %. Je ne vais pas dire que ça nous plaît, mais en benchmarking par rapport à la tendance générale, on est plutôt bons. Le marché de l’équipement de la personne est très concurrentiel. Les marges ne sont pas faciles à tenir. Mais nous avons tenu les nôtres.

Eram a annoncé cette semaine qu’ils cherchaient un repreneur pour les magasins belges. Vous pourriez être ce repreneur ?

De l’ensemble des magasins, certainement pas ! Je ne suis pas la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Je ne suis pas capable de reprendre tout ça. Il faut rester raisonnable. Mais reprendre certains magasins, oui. Ils ont deux magasins de périphérie, ça pourrait nous intéresser. Mais on n’a pas encore agi concrètement.

Quels sont vos objectifs pour 2017 ?

On va reprendre cinq magasins d’une chaîne belge dans un segment assez proche du nôtre – le moyen-haut de gamme – qui a décidé d’arrêter. C’est Avance pour ne pas les nommer, qui appartient au groupe familial flamand Euro Shoe. Ils ont décidé d’investir dans Shoe Discount sous une nouvelle enseigne (Bristol). Ils se concentrent sur un segment où ils sont probablement meilleurs. Pour notre part, nous restons sur notre segment moyen-haut de gamme, surtout caractérisé par des marques et du choix, avec des magasins en centre-ville – dans les Inno –, dans les shopping-centers et des grandes surfaces en périphérie sous l’enseigne Luxus. Outre la reprise des Avance, nous avons quatre ouvertures qui sont programmées – Rive Gauche à Charleroi, et trois Luxus à Fléron, Hannut et Sprimont, et deux projets aux alentours et dans Namur.

Cela représente une croissance de 30 % du nombre de vos magasins. c’est énorme…

On le fait avec nos banquiers, qui nous suivent. C’est beaucoup pour nous, mais c’est parce qu’il y a des opportunités qui se sont présentées. Les propriétaires d’Avance nous ont proposé un dossier de reprise et nous avons fait du picking.

Tout cela dans un marché qui bouge énormément…

Et ça ne va pas s’arrêter tout de suite ! Il ne faut pas oublier qu’en 2016, on parle en moyenne d’un recul du chiffre d’affaires de 3,5 % en équipement de la personne. Alors que les ventes en ligne ont augmenté de 15 %. Clairement, si ce n’est pas déjà fait, c’est trop tard pour commencer de la vente en ligne. Mais il n’y a pas que l’e-commerce. C’est davantage la distribution ominicanaux qui compte. On doit faire rentrer les consommateurs dans les magasins, mais les vendeuses ne vont plus seulement vendre ce qu’elles ont dans leur stock, mais aussi ce qu’elles ont en dehors de leur magasin : s’il n’y a pas la pointure du client, il faudra que la vendeuse soit là avec sa tablette et qu’elle fasse la vente avec la livraison à domicile le lendemain. C’est internet dans le magasin : nous devons mettre cela en place rapidement. A l’inverse, on peut commander une paire de chaussures en ligne et venir la chercher en magasin. On peut alors installer des casiers : le client reçoit un numéro par SMS pour ouvrir la boîte sans devoir faire la file à la caisse. Toutes les combinaisons sont possibles : il faut davantage imbriquer les ventes physiques et en ligne, de manière conviviale et simple. C’est un raisonnement en termes de services aux clients.

Le consommateur a lui aussi beaucoup changé…

C’est tellement facile pour lui de comparer les prix via son smartphone ou sa tablette. Les achats coup de cœur diminuent très fort. Le consommateur est plus mature et moins impulsif. C’est dommage pour nous, mais c’est comme ça. La crise de 2008 a représenté une grosse cassure : le comportement de l’acheteur a changé de manière durable, en même temps que se développaient les nouveaux moyens de communication.

Sur votre segment, il y avait un pacte de non-agression avec votre concurrent flamand Torfs ? Chacun reste chez soi ?

(Longue hésitation). On n’a pas d’accord avec Torfs. Les Flamands ont un peu peur de la Wallonie. Or nos deux marchés sont proches, beaucoup plus proches que les marchés allemands, néerlandais ou français. Je ne dis pas que les besoins ou la mode sont exactement les mêmes des deux côtés de la frontière linguistique, mais c’est très proche.

Il faut comprendre quoi ?

Vous devez comprendre que Torfs va venir en Wallonie et que nous, on va probablement aller gentiment voir en Flandre !

C’est la fin de la « paix des braves » ?

Oui. Mais on reste en bons termes, hein !

Vous avez déjà fixé un calendrier ?

Comme on a beaucoup de travail cette année-ci, ce sera plutôt pour l’année prochaine. On va tester. A partir du moment où on approche de la saturation en Wallonie, qu’est ce qu’on peut faire ? Il y a aussi le marché français, plutôt le Nord-Pas-de-Calais et l’est de la France. Notre business avec Luxus n’existe pas ou très peu en France. Les magasins de périphérie sont presque tous des magasins bas de gamme. Donc là aussi, on y pense. Mais on n’a pas encore de plan. Il ne faut pas courir, il faut rester les pieds sur terre.

Vous venez d’inaugurer vos nouveaux bureaux et votre nouvel entrepôt. C’est un gros investissement ?

C’est un investissement d’environ 9,5 millions d’euros, ce qui est quand même un gros paquet. C’est assez ambitieux, mais ce n’est pas « grande gueule ». C’est vraiment pour répondre à un besoin. En 2007, on a quitté La Hulpe pour installer un dépôt à Wavre. Quand j’ai vu ce qu’on construisait à l’époque, je me suis dit : « C’est parti pour longtemps ici ». Mais après 7 ou 8 ans, on a déjà dû commencer à louer des espaces de stockage ailleurs. On s’est dit qu’il était peut-être temps de partir. Et on est parti!

Et voilà, maintenant vous en savez plus sur la situation actuelle de Maniet Luxus et les projets d’avenir !